Il est impératif d’introduire l’égalité dans l’élaboration des politiques économiques et sociales, conjoncturelles ou structurelles. L’ère de la « déglobalisation » a commencé. Après 30 ans, la période de l’étroite interdépendance internationale touche à sa fin. De nouveaux blocs politiques se forment et de nouvelles guerres commerciales menacent l’ordre mondial habituel. Comment l’Allemagne se positionne-t-elle dans cet ordre mondial ? Comment les partenariats avec des pays comme Madagascar vont-ils évoluer ?
La politique est façonnée par des images et des mots. Olaf Scholz, le chancelier de la République fédérale d’Allemagne avait parlé au Bundestag d’un « changement d’époque » après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, fin février 2022. Des ajustements décisifs de la stratégie de politique étrangère étaient nécessaires, notamment une nouvelle définition de la relation avec l’agresseur russe et davantage d’investissements dans la capacité de défense allemande. Quatre mois se sont écoulés avant que Lars Klingbeil, chef du parti social-démocrate allemand (SPD), ne tente de dessiner la nouvelle orientation dans un discours de fond.
Un « changement d’époque » est un état dans lequel l’ancien n’existe plus, mais où le nouveau n’a pas encore été créé. Il n’est pas encore possible de prévoir le scénario qui se présentera à nous dans 25 ans, mais on peut déjà voir que les anciennes certitudes ne sont plus valables. C’est un doux euphémisme.
Beaucoup de choses ont dérapé ces dernières années. Même les chefs d’État stoïques sont pris de vertige face à la persistance des crises internationales : crise financière, crise des réfugiés, Brexit, effondrement du climat, pandémie, guerre en Ukraine… Mais toutes ces crises ne font que préparer le terrain pour la véritable rupture qui n’apparaît que maintenant : nous assistons actuellement en direct à l’écorchement d’un serpent et à l’émergence d’un nouvel ordre mondial.
Pendant 30 ans, la politique internationale s’est nourrie du charme de la promesse d’une prospérité toujours plus grande grâce à un commerce et une coopération mondiale toujours plus importants. Elle s’accompagnait de l’idée que plus de croissance signifierait plus de libéralisme, plus de démocratie et plus de paix. Même les rêveurs les plus audacieux devront désormais constater que le monde ne s’est pas occidentalisé, que le commerce n’est pas synonyme de changement ; au contraire, à l’échelle mondiale, seuls 6% de l’humanité vivent encore dans des démocraties, le modèle n’a actuellement pas le vent en poupe.
Il est prévisible que les restes de systèmes démocratiques se rassembleront et que même les autocraties coopéreront plus étroitement qu’auparavant au niveau international. La production est déjà délocalisée « à la maison », les exportations sont beaucoup moins prioritaires qu’auparavant. Cette situation est particulièrement explosive sur le plan social, notamment en ce qui concerne les denrées alimentaires. Mais si les normes internationales comme le système bancaire Swift, la téléphonie mobile GSM ou la connectivité via l’internet libre venaient à effondrer, les dommages pour ce siècle seraient immenses.
Les pays du Sud ne sont pas forcément des moteurs, mais des acteurs importants de cette évolution. Pourquoi ne pas coopérer avec la Chine ou la Turquie, sans noter ces paragraphes gênants sur les droits de l’homme, la liberté des médias ou la protection des minorités ? La tentation est grande, même à Madagascar, de jeter par-dessus bord les partenariats établis et d’oser la nouveauté. Mais n’oublions pas que le niveau de développement de Madagascar n’a qu’un rapport limité avec ses interdépendances internationales.
Dans ce contexte, Madagascar et l’Allemagne célèbrent 60 ans de coopération bilatérale, plus précisément le début de la coopération étatique au développement en 1962. En y regardant de plus près, il n’y a absolument rien à célébrer : les points communs sont actuellement rares, les rencontres bilatérales ne dépassent pas la routine. Ni Madagascar ni l’Allemagne n’innovent pour donner davantage d’impulsion. Pourtant, le potentiel de cette coopération est énorme. Le fait qu’il reste inexploité n’est pas seulement une tragédie sociale, mais aussi une naïveté politique des deux côtés. Madagascar a besoin d’un deuxième pilier en Europe, à côté de la France, pour que la promesse d’une émergence durable soit enfin suivie de véritables actes. L’Allemagne a besoin de chaque partenaire international pour la mise en œuvre d’un agenda ambitieux en faveur d’une protection mondiale du climat. Le temps est venu d’un véritable redémarrage des relations bilatérales. L’espoir demeure que ce débat important prenne de l’ampleur.