Qu’aurait été le mouvement VVS (Vy Vato Sakelika) s’il n’avait pas été démantelé en 1915 ? La grande manifestation de rue du 13 mai 1929 aurait-elle pu dégénérer en «crise de régime» ? Fallait-il profiter de l’opération britannique Ironclad pour chasser l’occupant français dès 1942 ? Qu’aurait pu devenir le MDRM (Mouvement démocratique de la rénovation malgache) s’il n’avait pas été dissout après le 29 mars 1947 ?
Derrière chaque hypothèse, la question du destin manqué de Joseph Ravoahangy-Andrianavalona (1893-1970). Les livres d’histoire retiendront qu’il fut élu à la première Constituante, le 18 novembre 1945, contre le pasteur Ravelojaona, son ancien mentor en risorgimento patriotique.
Le 2 juin 1946, Ravoahangy était réélu à 90% à la seconde Constituante. Il accompagna le rapatriement, en juillet 1946, des tirailleurs malgaches, oubliés en France depuis la fin de la seconde guerre mondiale. À Madagascar, la suppression du travail forcé provoquait alors une crise de main-d’œuvre. En août 1946, Marcel de Coppet se résolut à solliciter Ravoahangy pour convaincre les travailleurs de rejoindre les chantiers et les ports. À cette occasion, il effectua une tournée de l’île à bord de l’avion du Haut-commissaire de la République française. Cet évènement créa nécessairement une confusion auprès de populations sans instruction ni informations : «Ravoahangy avait-il donc remplacé de Coppet ?» Le 10 novembre 1946, l’élection de Ravoahangy à la première législature de la 4e République française fut un plébiscite : 44 701 voix contre
5 718 à son suivant immédiat.
Le docteur Joseph Ravoahangy-Andrianavalona était alors à l’apogée de sa popularité. Si l’insurrection du 29 mars 1947 était une machination, elle tiendrait du génie pour faire passer un adversaire politique du Capitole à la roche Tarpéienne, en moins de six mois. Ravoahangy est arrêté début avril 1947. Son immunité parlementaire est levée en août ouvrant la voie au procès dit des parlementaires : du 22 juillet au 4 octobre 1948.
Sa condamnation à mort, la «commutation» de la peine en réclusion à perpétuité (juillet 1949), le lobbying jusqu’à sa libération (mars 1956), paraissent finalement anecdotiques quand on songe que le vrai coup mortel lui a été porté en avril 1947. Éloigné de Madagascar jusqu’en juillet 1960, Ravoahangy sortit des radars. Son retour au pays fut opportunément programmé pour seulement après le 26 juin 1960. Député et Ministre d’un régime dont les dirigeants étaient farouchement opposés à sa proposition de loi du 21 mars 1946, demandant pour Madagascar le statut d’État libre (dans l’Union française), sa réapparition flouta son ancienne image.
Vanf