Comment résoudre un système à deux inconnues: d’une part, faire en sorte que les citoyens aient confiance aux institutions et, de l’autre, faire en sorte que ces institutions servent de manière désintéressée et efficace ces premiers ?
La légitimité des institutions démocratiques repose sur un socle fon- damental : la confiance. Elle est essentielle pour garantir le succès de la mise en œuvre de toutes les politiques publiques qui dépendent des «réponses comportementales» des citoyens. La crise sanitaire provoquée par la Covid-19, qui est loin d’être terminée – ne nous trompons pas – rappelle que la confiance des citoyens conduit à un plus grand respect des mesures de santé publique ou des réglemen- tations. Malgré les moyens mis en œuvre par les Partenaires tech- niques et financiers (PTF), la campagne de vaccination s’est cassée les dents sur un scepticisme ambiant. L’atermoiement de l’adminis- tration n’y est pas étranger, bien entendu.
Les drames sociaux que la Grande île a vécus ces derniers mois mettent en lumière le déficit chronique de confiance entre citoyens et détenteurs du pouvoir (élus et administration, entre autres). Quand la population est fatiguée par des tensions récurrentes, exa- cerbées par un système judiciaire parfois illisible, elle laisse exploser sa colère et la raison disparaît bien souvent au profit de l’effet de la masse. Dans le cas du drame d’Ikongo, si les citoyens avaient pu avoir confiance en la justice, ces évènements n’auraient jamais eu lieu, n’en déplaise au garde des Sceaux.
Les Anglo-Saxons font le distinguo entre trust (au sens de «faire confiance à ») et confidence (au sens d’« avoir foi en »), ce qui illustre bien la complexité de ce concept qu’est la confiance. Par ailleurs, les leviers d’action qui peuvent être mis en œuvre pour rétablir et renforcer la relation de confiance entre les citoyens et les institu- tions publiques restent souvent mal connus : est-ce la tenue d’élec-
tions régulières? Est-ce le respect des paroles données lors de la campagne électorale? Est-ce la garantie d’espaces de dialogue et d’échanges réguliers servant de soupape de sécurité? La sanc- tion des personnes qui auraient rompu ce « pacte » de confiance ? Assurément, la réponse est l’ensemble de la considération de tous ces paramètres.
On parle de cohésion de la société lorsque les citoyens font confiance aux institutions nationales et sont convaincus que les institutions économiques et sociales sont à l’abri de la corruption. Les questions relatives à la confiance et à la corruption sont étroitement liées au degré de confiance dans l’ensemble de la société. L’Indice de per- ception de la corruption (IPC) reflète donc ce degré de confiance qui sape la morale des citoyens mais également des agents de l’adminis- tration. Mettez-vous à la place du gendarme qui a fait tant d’efforts, qui a marché des kilomètres, pour voir le suspect relâché au bout du compte. Imaginez la déception de l’agent du Bianco qui a fait son travail pour voir le dossier être classé, une fois transmis aux plus hautes instances.
Quand la confiance disparaît, la défiance progresse. Le phénomène ne date pas d’aujourd’hui, dans les zones enclavées, l’État a disparu depuis belle lurette. Les dahalo sur terrain ou dans les bureaux y règnent en maître. Même dans les zones couvertes par l’administration, les malfrats osent défier directement l’autorité. Il n’y a pas de remède miracle pour la Grande île. La lutte contre la corruption, l’exemplarité des détenteurs de mandat public, le renforcement de la participation citoyenne constitue, entre autres, des débuts de solutions. Cette crise de défiance n’est pas notre seul apanage mais elle entraîne des conséquences dramatiques pour le pays et sa population. Les drames d’Ambohitriniandriana et d’Ikongo seront pour nous des piqûres de rappel douloureux.