En 1858, l’expression « péril jaune » s’imposa en France après la publication, dans Le Monde illustré, d’un dessin allégorique allemand intitulé « Die Gelbe Gefahr ». La formule avait tendance à mettre en avant la menace que pouvaient faire peser les peuples asiatiques sur les occidentaux. Le « péril jaune » fut aussi alimenté par une partie de l’extrême gauche dénonçant l’émigration massive des « coolies », ces travailleurs chinois accusés de concurrencer les nationaux sur le marché de l’emploi. Il représente globalement plutôt la peur de l’autre. Cet « autre » qui peut potentiellement vous prendre votre travail, imposer sa culture, bousculer vos traditions et vos certitudes.
C’est exactement cet état d’esprit que ressentent certains dépositaires du pouvoir actuellement vis-à-vis des jeunes. Ils représentent un vrai « péril » si jamais ils se réveillaient. Imaginez : la moitié des électeurs sont des jeunes. Pensez au fait que, s’ils donnaient l’onction à un candidat qui aurait répondu à leurs aspirations réelles, celui-ci aura de grandes chances de rafler la mise. Selon les derniers recensements – et les tendances ne devraient que peu bouger – les jeunes représentent un peu moins de la moitié du réservoir électoral. L’inverse est également vrai. Si les jeunes sanctionnaient également un prétendant, la victoire serait très difficile
à obtenir.
À défaut de sondage d’opinion ou d’une enquête qualitative, nous ne saurons jamais quel est le degré de participation des jeunes aux différents scrutins, mais, rien que sur le registre électoral, ils ont un poids et une influence énorme. Mais cela ne se traduit guère dans la participation citoyenne et les politiques publiques en faveur des jeunes.
À la question de comment faire en sorte que les jeunes aillent voter, nous pouvons y répondre par une approche à l’envers : comment faire en sorte que le vote vienne aux jeunes ? La fameuse phrase : « aller voter ne changera rien » est une traduction de cette lassitude et de cette faible confiance accordée au processus électoral. Justement, l’abstention perpétue paradoxalement ce cercle vicieux. Les primo votants devraient faire de ce rite du vote un passage obligé et sacré dans l’âge adulte de la démocratie. Puis, il y a le poids de l’histoire, nos aînés se sont battus pour que l’on accorde le droit de vote aux Malgaches pour qu’ils ne soient plus considérés comme des citoyens de seconde zone. Nous – jeunes en tête – sommes en train de dilapider le legs qu’ils nous ont laissé au prix de leur vie. Le combat pour l’émancipation ne s’est pas arrêté en 1947, il continue jusqu’à maintenant à travers les associations, à travers les formations politiques qui ont besoin d’une vraie reconstruction, non plus d’un ravalement de façade.
Ce n’est pas quand les Barea font face aux adversaires les plus coriaces qu’il faut seulement entonner mitsangàna ry tanora ! (levez-vous, chers jeunes !), c’est une lutte de tous les instants, une injonction pour ne pas se décourager et pour ne pas abandonner. Certes, les offres politiques peinent à répondre aux enjeux de la jeunesse actuelle, mais, là encore, à force de snober les formations politiques, de ne pas s’engager dans les partis politiques ou dans les associations, les jeunes ont laissé les idées des aînés prendre le dessus. La nature a horreur du vide.
La jeunesse a été bien trop souvent présentée comme l’avenir du pays, comme pour la décharger de toute responsabilité inhérente à l’instant T ou comme pour excuser son manque d’engagement. Or, elle est le présent et un maillon essentiel de la société actuelle.