Quand les élections approchent, la situation se tend bien souvent. Cette situation est loin d’être inédite pour Madagascar. Il est normal que les virages électoraux soient très délicats à négocier. Les manipulations des scrutins restent fréquentes, les contestations des résultats sont suivies de tensions sociales et les mandats sont loin d’être respectés. La question est récurrente et mérite réflexion : la démocratie est-elle réellement acquise ?
Le rétropédalage de l’Administration sur les questions de la liberté de manifester et la liberté de réunion est un exemple de plus de la gouvernance approximative et de la fragilité des libertés fondamentales sous nos cieux. Rien n’est acquis, même si – avouons-le – la démocratie électorale n’a pas, par son fait même, annulé la marchandisation du politique au sein du système patrimonial malgache. La démocratie élective s’est adaptée à la logique du clientélisme. La prévalence d’une société se nourrissant de rumeurs n’aide pas non plus à la maturité démocratique.
Dans cette morosité ambiante, les partis politiques demeurent les chantres de la démocratie. Ce sont des écoles, des structures porteuses et ils demeurent des éléments centraux pour que vive la démocratie, même si des années de messianisme politique leur ont ôté, peu à peu, leur vigueur. Les élections sont libres, honnêtes et impartiales lorsque les partisans de différents partis politiques ont une liberté substantielle de faire campagne et que les électeurs ne subissent pas de contraintes dans l’exercice de leurs choix électoraux. Les formations politiques sont des espaces de pouvoir formels où doivent s’opérer les mutations.
Il est donc naturel et tout à fait légitime que les partis veuillent porter une voix commune à l’orée de ces élections : celle de la bienveillance et celle d’une conscience commune du bien-être commun. Il faut demeurer optimiste même si les 30 années de multipartisme malgache ont parfois amené d’amères désillusions et des craquements de la démocratie, à la mesure de l’espérance éveillée par l’accession à la souveraineté et de la libéralisation de la vie politique.
Même si elle a fait grincer des dents, l’instauration d’une charte de bonne conduite pour les partis politiques est une avancée, ne serait-ce que morale. La consolidation de la démocratie suggère la mutation d’États où les rapports personnels dominent vers des États où les rapports sont encadrés par des règles et des contrats. L’instauration d’un fil d’Ariane en période électorale qui ne serait ni au-dessus ni au-dessous des lois est un phare qui guide le cheminement. L’objectif est de passer sans encombre cette période électorale qui doit toujours être vécue d’une manière particulière.
Un pays qui se distingue par la grande qualité de son processus électoral jouit pratiquement toujours des libertés politiques fondamentales, et vice versa. À Accra en 2009, Barack Obama avait marqué les esprits par son discours retentissant dont une partie un peu oubliée de celui-ci avait le mérite de réaffirmer la place que doit occuper chaque pays et la responsabilité des peuples : « la vérité essentielle de la démocratie est que chaque nation détermine elle-même son destin ».
La tentation dans les débats publics est toujours de glisser vers des pentes glissantes, de stigmatiser les personnes/les personnalités, de remettre en cause l’origine d’un mouvement, mais n’est-il pas plus constructif de se concentrer sur les finalités et les résultats ? Des élections libres, apaisées et transparentes dans lesquelles les partis jouent pleinement leurs rôles et sont eux-mêmes les garde-fous moraux ? C’est l’ambition de la Charte de bonne conduite. Et c’est sûrement l’ambition de ceux et celles qui ont l’intérêt supérieur de la Nation dans la tête et dans le cœur.