L’objet de cet article est d’analyser les défis de l’application de l’intelligence économique dans les secteurs stratégiques à Madagascar pour moderniser le système économique du pays, face à la complexité de la structure économique mondiale.
Avec l’avancée de la nouvelle technologie, le fonctionnement des organisations publiques et/ou privées n’échappe pas à la complexité des flux d’informations et de la gestion de l’environnement stratégique.
Cybersécurité
L’Intelligence économique (IE) constitue un objet de débat au niveau de tous les réseaux d’acteurs professionnels et de décideurs politiques. Il est important de souligner que ce concept est l’ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution, en vue de son exploitation, de l’information utile aux acteurs économiques1. Par ailleurs, Claude Revel rapproche l’intelligence économique à un mode de gouvernance fondé sur la maitrise de l’information stratégique pour créer de la valeur durable dans une entité2.
Ces réflexions nous indiquent que l’intelligence économique est un concept, non seulement complexe, mais aussi en corrélation avec tous les domaines confondus, mais en particulier le management des informations et des réseaux, la planification stratégique et la gestion des données, l’organisation et le système de prise de décision, la planification territoriale et l’analyse prospective, ainsi que la protection des patrimoines immatériels et la cybersécurité.
Évolution de la qualité de vie de la population
Au niveau mondial, l’intelligence économique fonctionne avec la montée en puissance des problématiques liées à l’univers numérique et à la digitalisation du système économique et financier. En Afrique, le Sénégal et le Maroc sont qualifiés de pays qui valorisent potentiellement l’utilisation des dispositifs d’intelligence économique dans leur système, depuis 1995. À Madagascar, ce concept reste encore méconnu. Il n’est pas intégré dans le système politico-économique du pays.
Cette situation peut être expliquée principalement par l’inexistence de cadres législatifs sur l’intelligence économique et par l’absence de structures spécialisées qui diffusent et qui partagent les données économiques ou les informations stratégiques destinées aux acteurs.
Ainsi, les difficultés de l’application de l’intelligence économique à Madagascar sont liées à des facteurs multidimensionnels : la dimension institutionnelle, les domaines organisationnel et structurel, le facteur ressource humaine et surtout le volet recherche et développement. En conséquence, les secteurs stratégiques comme l’agriculture, l’énergie, le tourisme et les transports sont mal gérés et ne participent presque pas à l’évolution de la qualité de vie de la population.
Tous les indicateurs économiques de Madagascar restent en berne et la croissance économique ne porte pas ses fruits face aux problèmes de la société. Actuellement, à l’exception du secteur vanille, tous les domaines d’activités économiques rencontrent des difficultés majeures liées non seulement à la gouvernance, mais également à d’autres déterminants. Le facteur exogène se conjugue avec des impacts des crises climatiques. Après le passage des cyclones Batsirai et Emnati, les pertes dans le secteur de l’agriculture de rente ont été évaluées à 78 millions de dollars3.
Dynamique économique des territoires
Ainsi, malgré la faible valeur du commerce international de Madagascar avec l’Ukraine et la Russie – qui est estimée à 0,2 % et 1,7 % en matière d’exportation et d’importation – le système économico-politique malgache n’a pas été épargné par l’existence de conflits entre ces deux pays. Ces crises s’ajoutent également aux impacts de la pandémie de la Covid-19 qui a mis à terre l’économie du pays.
Cette situation qui résulte des facteurs endogènes et exogènes est un bon exemple de la nécessité de mise en place d’un Système national d’intelligence économique (SNI). L’objectif ultime de cette initiative est de renforcer la dynamique économique des territoires, en mettant en œuvre le marketing territorial, et d’améliorer la compétitivité du pays en matière de production. Le système national d’intelligence économique consiste à mettre en avant des axes principaux comme la production de connaissances sur la politique des échanges, le développement du secteur recherche et formation, l’instauration du système de sécurité économique ainsi que la conception et la mise en œuvre de la stratégie d’influence d’État.
La production de connaissances permet aux acteurs économiques et sociaux de concevoir les stratégies de développement territorial. L’action principale de ce volet « connaissance » est de garantir les compétences des universitaires, des agents de l’État et des entrepreneurs en matière de planification stratégique, de Business intelligence (BI) et d’intelligence économique. En ce qui concerne la sécurité économique, elle permettra d’élaborer la stratégie de conception des patrimoines et de la sécurité du système d’information pour protéger les données stratégiques.
Veille stratégique
Dans la dernière composante du SNI, l’implication de l’État dans la démarche d’institutionnalisation de l’intelligence économique constitue une pierre angulaire du développement territorial. Puisqu’il s’agit d’un concept nouveau à Madagascar, les étapes de l’institutionnalisation de l’IE doit tenir compte de la mise en œuvre de la politique nationale de l’intelligence économique, de l’élaboration d’un cadre réglementaire et de la création d’une structure étatique spécialisé. L’État doit assurer la connectivité des villes par la mise en place des infrastructures routières, de la politique de sécurité, etc.
Dans le domaine de la politique de sécurité économique et de compétitivité, il doit maîtriser sa sphère d’influence en assurant la protection des secteurs stratégiques nationaux. Dans ce cadre d’action, il est indispensable d’instaurer le système de veille stratégique pour surveiller l’évolution de l’environnement interne et externe de l’économie et d’anticiper les décisions stratégiques en matière d’échanges commerciaux et de compétitivité internationale.
D’une manière générale, l’application de l’intelligence économique au niveau du système économique de Madagascar permettra non seulement de protéger les secteurs stratégiques nationaux face à la concurrence étrangère, mais aussi de garantir l’attractivité territoriale et le développement inclusif. Dans cette démarche, la maîtrise des technologies clés et de la stratégie d’influence constitue une condition inéluctable de développement.
Johnny Lemriss Ranaivoarison