Les syndicats sont très actifs dans l’un des secteurs les plus pourvoyeurs d’emplois : le textile. Nous sommes allés à la rencontre de la présidente du Syndicat Toky iraisan’ny mpiasa malagasy (Stimm), l’une de ces organisations afin de mieux connaître leur positionnement sur le futur Textile city.
Que pensez-vous du projet Textile city ?
Yolaine Sarondro Rasehenonirina (Y.S.R) : Pour jouer la carte de la franchise, nous ne disposons pas encore suffisamment d’informations spécifiques sur ce sujet, notamment sur le calendrier de mise en œuvre ainsi que le nombre d’emplois générés. En tout cas, c’est une belle initiative de la part de l’État. Nous estimons que nous sommes dans une situation où la création d’emploi est a priori la solution idoine pour sortir de la pauvreté. Toutes les initiatives sont les bienvenues. En matière d’industrie textile, nous disposons d’une main-d’œuvre qualifiée et moins coûteuse, qui, jusqu’à maintenant, répond aux exigences des investisseurs. C’est un atout essentiel que nous devons préserver pour garder notre place sur le marché.
Mais un projet aussi vaste comme Textile city fera appel à davantage de travailleurs et de savoir-faire. Sommes-nous prêts à faire face aux demandes ?
Y.S.R : C’est effectivement une grande opportunité de création d’emplois étant donné les pires difficultés rencontrées par les jeunes à intégrer le monde professionnel. Nous sommes en sous-effectif, certes, mais avec une population aussi jeune, il ne devrait pas y avoir de problème à fournir une main-d’œuvre aux usines. L’État devrait assurer la mise en place de centres de formation professionnelle pour les futurs travailleurs.
Pour ce faire, nous disposons de spécialistes et d’experts pouvant être mobilisés afin d’assurer la formation. Il faut également un renforcement de capacité pour préserver notre notoriété en termes de qualité de travail. La mise en place d’un cadre légal adéquat et adapté est un atout important pour attirer les investisseurs. Il serait plus efficace s’il est cohérent avec les conventions internationales ratifiées par Madagascar.
Le secteur textile est souvent pointé du doigt pour les conditions de travail qu’il offre. Qu’en sera-t-il pour ce méga-projet ?
Y.S.R : C’est un point essentiel à revoir. Le domaine du textile figure parmi les plus exposés à des violations de loi. Sur les 10 plaintes que nous recevons tous les mois, en moyenne, huit concernent les employés de ce secteur. Seuls 25% des litiges sont réglés à l’amiable. 35% passent à l’inspection de travail et 40% doivent être traités au niveau du tribunal administratif. Il faut aussi souligner que de nombreuses entreprises exercent dans l’informel, ce qui contraint les employés à se conformer à toutes les conditions imposées par les employeurs.
Il est nécessaire de renforcer les mesures de contrôle et les campagnes de sensibilisation sur le Code du travail afin de lutter davantage contre les abus, surtout si nous voulons instaurer un environnement de travail sain et propice. Par ailleurs, améliorer le traitement des collaborations est le meilleur moyen d’atteindre les objectifs, notamment la productivité et la qualité du travail. Certes, les investisseurs s’intéressent à Madagascar pour le coût de sa main-d’œuvre compétitif, mais effectuer le même travail que les collaborateurs des entreprises sœurs de l’île de Maurice, par exemple, pour un coût considérablement très bas est tout simplement démotivant. Nous pensons que revoir tous ces points ne ferait qu’améliorer la situation.
Comment verrez-vous le rôle des syndicats dans le cadre de ce projet ?
Y.S.R : C’est une bonne question parce que nous estimons que le syndicalisme est un moteur indispensable pour instaurer un environnement sain et propice au développement de l’économie. Le Stimm a toujours fait en sorte d’aider et d’accompagner les travailleurs membres afin de préserver leurs droits.
Nous incitons d’ailleurs à renforcer davantage la sensibilisation au sein des entreprises. Pour rappel, toute entreprise comptant au moins 11 employés est tenue d’avoir un délégué du personnel. Si le nombre atteint les 50, le Code du travail exige la mise en place d’un comité d’entreprise. La vulgarisation du Code fait partie intégrante du rôle des syndicats qui doivent contribuer à la protection et à la promotion des droits des travailleurs. Les syndicats nouvellement constitués ne sont pas consultés lors des prises de décisions, ce qui est désolant pour les membres.
Nous pensons que dans le cadre de mise en œuvre du projet Textile city, un traitement égalitaire de tous les syndicats contribuerait davantage à l’atteinte des objectifs. Justement, parce que nous nous mobilisons pour les mêmes causes, il est important de se soutenir et de travailler ensemble.
Le Stimm est un jeune syndicat. Comment évolue-t-il au milieu des organisations historiques ?
Y.S.R : Le Stimm a vu le jour en mai 2018, mais il compte déjà près de 6 000 membres dont plus de la moitié évolue dans le secteur textile. Le rôle du syndicat est de faire connaître aux employés leurs droits, de les écouter, de les accompagner pour défendre leur cause. Il se battra aussi à leurs côtés si leurs droits sont bafoués, en cas de besoin. Notre accompagnement va du conseil à l’orientation vers les institutions et les juridictions compétentes pour traiter les cas.
Je tiens à remarquer que le premier recours est d’effectuer une enquête et de tenter de trouver une entente entre les parties concernées. Dans le cas où aucune solution n’est trouvée, nous accompagnons le plaignant dans tout le processus nécessaire visant à faire valoir ses droits en tant que travailleur. Nous savons tous que trouver du travail n’est pas évident dans un environnement où les offres sont considérablement en deçà des demandes.