“Les pays en développement perdent environ 100 milliards de dollars par an en recettes fiscales sous l’effet de l’évasion fis- cale des multinationales, et plus encore par la concurrence fis- cale dommageable à laquelle les pays se livrent. Bien qu’il soit difficile d’obtenir des chiffres, New World Wealth (qui publie le rapport intitulé AfrAsia Bank Africa Wealth Report) affirme que les multimillionnaires et les milliardaires africains ont probable- ment caché à l’étranger jusqu’à 75% de leur richesse.2
À cause de cela, on estime que les pays africains perdent tous les ans près de 14 milliards de dollars du fait de l’évasion fiscale de riches particuliers. (…) L’île Maurice s’est positionnée comme un pays de choix pour les investissements offshore en direction de l’Afrique, en permet- tant aux multinationales de détourner des millions de dollars qui reviennent de juste droit aux pays africains, notamment les pays à faible revenu.
Depuis 30 ans que l’île a le statut de paradis fiscal, l’île Maurice a tissé un réseau complexe de conventions fiscales bilatérales, surtout avec de nombreux pays africains. Ces traités visent en théorie à réduire la « double imposition » et à attribuer des droits d’imposition entre les deux pays signataires. Or, ce sont les pays en développement qui font les frais des conventions sur la double imposition qu’ils concluent avec l’île Maurice et d’au- tres paradis fiscaux. Bien souvent, ces conventions privilégient les intérêts des pays développés et des multinationales qui y ont recours pour transférer leurs bénéfices vers des pays qui leur per- mettent de payer peu ou pas d’impôt. (…) Bien qu’elle figure sur la liste grise de l’Union européenne (UE), l’île Maurice continue de nuire à d’autres pays et de creuser les inégalités en facilitant l’évasion fiscale des multinationales.
Les gouvernements de l’UE se sont également montrés indulgents à l’égard de plusieurs autres paradis fiscaux, 10 en les sortant de la liste noire, alors que les réformes engagées par ces pays pour échapper au listing sont inefficaces ou sont encore plus dommageables. Pis encore, les critères pour identifier les paradis fiscaux et passer au crible les pays sont trop faibles, ce qui met en péril la crédibilité même de l’élaboration de la liste noire (…). »
Johan Langerock et Susana Ruiz Rodríguez Oxfam International Juillet 2019