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Transport maritime et fluvial, la croisière s’enlise

EconomieTransport maritime et fluvial, la croisière s’enlise

Par son insularité, le transport maritime et fluvial devrait occuper un rôle d’envergure à Madagascar pour garantir la meilleure utilisation possible des espaces marins dans l’intérêt du développement économique et du milieu marin. Pourtant, le secteur évolue en apnée.

Jeudi 23 décembre. Les drapeaux sont en berne. Trois jours auparavant, le MS Francia avait coulé au large de la côte nord-est de la Grande île. Le navire était censé ne transporter que des marchandises. Cependant, 138 passagers s’y étaient entassés. Seuls 50 d’entre eux ont pu être sauvés. Quelques mois après, plus rien ne filtre autour de ce drame qui met en lumière les défaillances en termes de contrôles et de sécurité, mais qui rappelle également l’importance du secteur du transport maritime et fluvial pour de nombreuses localités de la Grande île, qui, faute de liaisons routières, dépendent de la mer et des fleuves. Les navigations fluviales et côtières contribuent au désenclavement de nombreuses régions.

Navigation intérieure

Les cours de géographie apprennent aux enfants les grands fleuves que compte Madagascar et l’immense potentialité qu’ils offrent en termes d’énergie, d’irrigation et de transport. Cependant, la Grande île ne dispose d’aucune voie de navigation intérieure aménagée pour permettre la navigation d’unités destinées au transport fluvial à grande échelle. Le constat émane de l’Agence portuaire maritime et fluviale (APMF). Étant une île, le pays a tout à gagner en tirant profit de l’énorme potentiel de l’économie bleue pour le transport maritime et fluvial.

Or, la navigation fluviale est actuellement limitée à des unités traditionnelles (pirogues) ainsi qu’à quelques petites unités artisanales qui sillonnent pour l’essentiel sur les fleuves de la côte Ouest (Tsiribihina en aval de Miandrivazo, Betsiboka en aval de Marovoay et dans le Sofia). Une des priorités de l’APMF par le biais de la direction fluviale, consiste à favoriser le développement de la navigation fluviale, en particulier auprès des zones enclavées comme Marovoay, Miandrivazo, Masiakampy ou Belo sur Tsiribihina.

La seule exception est le canal des Pangalanes qui s’étend sur près de 650 km entre Mahavelona (Foulpointe) au Nord jusqu’à Farafangana au Sud. Ce canal construit durant la colonisation avait connu diverses fortunes. Certaines portions avaient été quasiment laissées à l’abandon et n’étaient navigables pour certains villageois que dans des conditions non sécurisées. Mais depuis quelques années, des travaux de dragage sont effectués pour que le Pangalanes retrouve son lustre d’antan. Il est vital pour de nombreux villages sur la façade Est de l’île. La navigation fluviale mérite d’être davantage redynamisée.

« L’APMF, en tant qu’autorité de régulation du transport maritime et fluviale à Madagascar, élabore une politique de gestion des voies navigables et des ports fluviaux afin d’atteindre l’objectif “zéro accident”, la sécurité foncière pour une meilleure exploitation du sous-secteur par la population et l’augmentation les recettes », note le capitaine de vaisseau, Jean Edmond Randrianantenaina, directeur général de l’APMF.
Le transport fluvial améliore l’accessibilité de la population aux services de base et facilite la circulation des biens et des personnes. Tous les acteurs s’accordent à dire qu’elle devrait être un maillon essentiel du réseau de transport diversifié à Madagascar. L’APMF ambitionne de lancer d’importantes réformes touchant particulièrement la gouvernance, le cadre réglementaire, les aspects techniques et infrastructurels dans le domaine du port, de la sécurité maritime, des gens de mer et du réseau fluvial.

Conteneurisation des marchandises

La Grande île est réputée pour l’immensité de ses côtes (près de 5 000 km). Cependant, elle ne dispose, en tout et pour tout, que de 17 ports classés en Ports d’intérêt national (Pin) et Ports d’intérêt régional (Pir). Ces premiers sont soumis à deux modes de gestion particuliers, à savoir un mode de gestion autonome, d’où leur appellation de Ports à gestion autonome (PGA) et un mode de gestion non autonome à concession globale, d’où le terme de Ports à concession globale (PCG). Tandis que les Pir sont gérés par l’APMF. L’agence veut mettre à niveau les infrastructures portuaires et les établissements de signalisation maritime, notamment en réhabilitant les infrastructures dégradées.

Mais de nombreux défis demeurent, comme la mise aux normes par rapport au code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires (ISPS). Les infrastructures portuaires des ports à vocation internationale de Madagascar doivent être mises aux normes. En général, elles se trouvent limitées par rapport à leur capacité d’accueil ou encore à cause du faible tirant d’eau, en plus des lacunes au niveau des entretiens périodiques. Le port de Toamasina, le plus grand de Madagascar, a atteint sa capacité maximale d’accueil de conteneurs en 2012 en traitant plus de 180 000 unités, contre une capacité normale de 175 000 conteneurs. Cette saturation est imputable à la tendance à la conteneurisation des marchandises. La Société du port à gestion autonome de Toamasina (Spat) enregistre annuellement une croissance de 7 % des trafics pour les containers et de 3 % pour les marchandises conventionnelles. La demande mondiale en termes de marchandise grandissant, l’extension des infrastructures s’avérait ainsi inévitable.

Port de cabotage

Une petite amélioration est notée pour le Grand port grâce aux efforts d’extension et de modernisation. Toamasina est classé 15e parmi les 45 infrastructures évaluées sur le continent africain selon la deuxième édition de l’Indice de performance des ports à conteneurs, élaborée par la Banque mondiale, en collaboration avec la société S&P Global market intelligence. Sous l’impulsion du gouvernement japonais, le projet d’extension du Grand port vise à tripler la capacité d’accueil du port et en faire le port hub dans l’océan Indien en 2026. Le chantier est l’un des plus grands en Afrique financé par le gouvernement japonais avec une enveloppe de 639 millions de dollars. Une fois les travaux d’extension achevés, la capitale économique de Madagascar pourra enfin accueillir les gros porte-conteneurs qui, pour le moment, n’accostent qu’à l’île Maurice ou à La Réunion, lesquelles tiennent jusqu’à présent les premiers rôles de ports d’éclatement dans la zone de l’océan Indien, en reléguant Toamasina presque en un simple port de cabotage.

Afin de consacrer les secteurs maritime et fluvial en tant que leviers de développement, une démarche en vue de l’élaboration d’une politique du transport maritime et fluvial est en cours en collaboration avec l’Organisation maritime internationale (OMI) et l’ensemble des parties prenantes nationales. L’accentuation des efforts entrepris pour que Madagascar dispose, d’une part, de transports maritime et fluvial de plus en plus sécurisés et sûrs, et, d’autre part, de gens de mer et de mariniers professionnels et reconnus, est donc de mise.

« La mise en œuvre du schéma directeur national du développement portuaire et la réalisation des travaux d’infrastructures portuaires sont en cours, note le directeur général de l’APMF. La recherche de partenaires pour la modernisation des ports d’intérêt national, à part les ports de Toamasina et d’Ehoala, et pour le développement de projets de nouvelles infrastructures portuaires, ainsi que l’ouverture d’études pour la réhabilitation des ports d’intérêt régional dans le cadre du désenclavement des régions côtières devraient aussi se concrétiser sous peu ».

Harilalaina Rakotobe

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