« Pour moi, le mouvement n’a pas commencé qu’en 1972. L’évènement du 13 mai entrait parfaitement dans le cadre de mon cursus universitaire. Jeune, curieux et plein d’ambitions, j’avais pris part aux débats ou aux discussions politiques. Après mon baccalauréat, un titre du journal Andry-Pilier de Manandafy Rakotonirina, m’avait ouvert sur tout un univers. “Il s’agit d’exprimer avec la population les problèmes réels de la population avec les langages du peuple”, mentionait la publication. Tandis que l’AKFM véhiculait la lutte contre le monopole français ou encore contre l’impérialisme américain, avec des concepts abscons, le journal Andry-Pilier avait choisi un langage simple : celui des étudiants, des paysans… avec le souci d’évoquer les problématiques de tout le monde. Pour moi, “72” était en quelque sorte une confirmation que nous avions raison et qu’une grande partie de la population était également prête à faire bouger les lignes et à défendre les mêmes causes. Nous étions convaincus que les offres politiques ne réglaient pas toutes les problématiques.
Vers décembre 1971, les revendications concernaient l’internat de l’école de Médecine de Befelatanana. Les médecins de l’Assistance médicale indigène (Ami) avaient initié le mouvement. Ils revendiquaient davantage de considération. Quand nous, étudiants d’Ankatso, nous sommes emparés du mouvement, nous avions dépassé le simple stade des revendications. J’ai commencé par rédiger un tract. De manière anonyme et en toute clandestinité, j’y avais dénoncé les conditions d’examen en fin de cycle préparatoire en médecine à Ankatso. J’ai aussi énergiquement décrié ce système à deux “types” de médecins, un pour la ville et un autre pour le monde rural.
Puis, avec nos collègues, nous nous sommes penchés sur les autres problématiques. Nous avons commencé à parler du système. Nos revendications portaient sur une question d’égalité : il fallait avoir une filière médecine homogène. Puis, nous nous sommes rapidement aperçus que l’enseignement général rencontrait à peu près le même problème. Des enfants étaient presque condamnés à s’arrêter au brevet d’études, en classe de 3e dans les CEG. Il n’y avait pas de passerelles pour les lycées. À l’époque, ce système avait été baptisé l’enseignement court. Les étudiants de l’enseignement technique ne pouvaient pas avoir la chance d’intégrer l’école supérieure en Polytechnique. Avec tous ces problèmes inhérents au système éducatif, tous les ingrédients étaient réunis pour déboucher sur le 13 mai 1972. »
Constant Raveloson a été membre du comité « animation » du mouvement estudiantin de 197