Les Organisations de la société civile (OSC) ont tenu, dans le courant du mois d’août, un forum national sur la vanille, auquel des acteurs en provenance de toutes les zones productrices ont participé. En marge de cet évènement, Tiao Razananivo, président du Comité pour la protection des intérêts d’Antalaha – Komity miaro ny tombontsoan’Antalaha (KMTA) nous a fait part de ses réflexions sur la question.
Actuellement, comment se porte la vanille dans la Sava ?
Jean Yvon Tiao Razananivo (J.Y.T.R): Dans la Sava, il y a eu beaucoup de zones où les produits n’ont pas trouvé preneur. La réalité est que, pour les planteurs, il y a beaucoup d’arnaques. Il y a des gens qui ne font pas partie des coopératives qui ont acheté le kilo de vanille à 40 000 ariary. Il y a un écart de prix d’achat qui ne parvient pas jusqu’aux producteurs. La filière vanille est en danger si l’on ne change pas les pratiques. La vanille est la base de la vie socio-économique de la Sava.
Elle nous permet d’envoyer nos enfants à l’école, de prendre soin des membres de nos familles quand ils sont malades, etc. Toute la vie de la Sava est régie par la vanille. Elle est menacée, car il y a des personnes étrangères qui y interfèrent et qui font tout pour avoir une maîtrise sur la filière. Au début, lorsque ces acteurs sont venus dans la région, on a fait grimper les prix. On avait atteint les 200 000 ariary le kilo pour la vanille verte. C’était vers 2018.
Ces dernières années, tous les acteurs ont dû accepter les prix planchers fixés par le gouvernement. Il y a également eu la limitation des quantités des produits auprès de ces gros exportateurs. Ce qui a handicapé beaucoup de producteurs. Ces acteurs étrangers, en intégrant la filière, se sont également accaparé toutes les activités rentrant dans le cadre de la production et de la préparation de la vanille. Pour nous, la place des étrangers devrait être limitée à l’achat des produits préparés. Ce qui n’est pas le cas, car ils occupent toute la chaîne de production. Nous ne l’acceptons pas. Il y a des milliers de Malgaches qui perdent leur travail à cause de cette pratique. Ce sont les Malgaches qui devraient régner sur la filière de la vanille et non les étrangers.
Que pensez-vous de cette réforme menée actuellement par l’État dans la filière ?
J.Y.T.R : Nous avons formulé une proposition face au prix plancher de 75 000 ariary. Statué d’un commun accord entre le gouvernement et les exportateurs, ce prix n’a pourtant pas été respecté. Les producteurs de vanille de la Sava ont la certitude que, sans la fixation des prix à 75 000 ariary, étant donné le faible niveau de la production dû au passage des cyclones dans les régions Vatovavy et Fitovinany, le prix de la vanille verte aurait pu actuellement tutoyer les 200 000 ariary. Les exportateurs et les opérateurs économiques décident de ne pas acheter. C’est pour cela que beaucoup de produits n’ont pas trouvé preneurs au début de la campagne. Ce n’est qu’après le passage du président de la République que la situation s’est améliorée.
Certains acheteurs arrivent même à proposer plus de 75 000 ariary. À Antalaha, certains achètent à 80 000 ariary le kilo de la vanille verte. Si la libéralisation de la vanille est mise en place et respectée, la filière va s’améliorer. Il est inquiétant de constater que les productions soient en deçà des espérances. L’agrément des exportateurs constitue également une problématique majeure dans la région Sava. Il ne faut pas oublier qu’auparavant l’agrément s’opérait au niveau des régions.
Le secteur était libre à tous les acteurs. Il faut revenir à l’ancienne pratique. Le fait de centraliser l’agrément des exportateurs est source de corruption. L’agrément devrait être facilité et ouvert à tous car, plus il y aura d’acteurs, plus les prix vont s’améliorer. Cette libéralisation devrait toute- fois être accompagnée d’une application stricte des lois existantes. Nous sommes jaloux de cette filière, car nous dépendons de la vanille.
Quelles sont vos propositions pour améliorer la situation ?
J.Y.T.R : Les vanilles volées sont détruites devant les forces de l’ordre locales. Ce qui constitue une perte totale pour les producteurs victimes de vols, car ils ne bénéficient d’aucun dédommagement. La législation interdit également la collecte des vanilles qui ne sont pas arrivées à maturation. Ce qui fait que beaucoup de producteurs se retrouvent emprisonnés chaque année parce qu’ils enfreignent cette loi.
L’autre cause d’emprisonnement des producteurs est également la fixation du calendrier de campagne et de collecte. Le calendrier est fixé par des personnes qui ne connaissent pas grand-chose à la vanille. Ils décident depuis leur bureau des dates de début de campagne. Pourtant avant, les récoltes ont été autorisées en fonction des périodes de maturation des gousses. Mais les intellectuels décident d’une seule et unique date de collecte qui est au mois de juin pour les zones littorales. Nous proposons donc d’arrêter avec cette centralisation à outrance et de donner le pouvoir aux communes de décider les dates de collecte. C’est au niveau local que l’on est à même de prendre les bonnes décisions sur la filière.
Concernant les sanctions appliquées par le gou- vernement, certes, il y a beaucoup d’entorses à la loi commises par les exportateurs dans la Sava, surtout sur le volet du rapatriement des devises, mais à notre avis, au lieu de sanctionner directement, l’État devrait procéder par étape par étape. Si les exportateurs n’effectuent pas le rapatriement des devises exigées, l’État devrait leur permettre de s’en acquitter pendant une période donnée. Grâce à ce délai, les exportateurs pourraient encore maintenir leurs activités et continuer à créer des emplois tout en évitant les licenciements.
La limitation des exportateurs provoque la perte d’emplois pour des milliers de personnes dans les zones productrices de vanille. Il conviendrait de noter que les activités entrant dans le cadre de la collecte et la préparation de la vanille permettent à des milliers de foyers de subvenir à leurs besoins. La vanille n’est pas simplement un produit agricole pour la Sava, c’est un patrimoine. Tous les acteurs devraient être égaux devant la loi, ou plutôt, l’application de la loi devrait être la même pour tout le monde.