Le docteur Steeven Goodman est un éminent chercheur passionné par la biodiversité de Madagascar. Il a édité les ouvrages The Natural History of Madagascar en 2003 et The New Natural History of Madagascar en 2023, deux livres de référence sur la nature malgache. Rencontre.
Parlez-nous de ce nouveau livre et de ce qu’il apporte dans la communauté des chercheurs malgaches ?
Docteur Steeven Goodman (Dr S.G.) : The New Natural History of Madagascar est un ouvrage publié en deux tomes. L’ensemble fait 2 300 pages et compte 550 figures. Plus de 500 contributeurs ont permis l’élaboration de ce livre particulièrement complet en termes de connaissances sur la biodiversité malgache. 1/3 de ces contributeurs sont de nationalité malgache. L’ouvrage touche un nombre important de sujets : l’histoire de l’exploration géologique de Madagascar, le climat, l’écologie humaine, l’écologie forestière, les plantes, les vertébrés, un chapitre sur la conservation de l’écosystème naturel de Madagascar… une grande mise à jour de notre connaissance sur la Grande île.
The New Natural History of Madagascar est un livre scientifique utile pour les étudiants. Il peut être exploité sur le plan économique également afin de mettre sur pied une stratégie pour développer l’écotourisme. La singularité de ce livre se perçoit aussi bien dans sa manière de nous dévoiler l’avancement de notre connaissance sur la biodiversité malgache que dans la mise en valeur de l’émergence des jeunes chercheurs de ce beau pays. En 2003, j’ai édité le premier ouvrage qui s’intitule The Natural History of Madagascar. En 20 ans, l’évolution de notre savoir sur la richesse de la biodiversité malgache est palpable.
Comment la localisation des zones de recherches ainsi que la coordination des contributions ont-elles été effectuées ?
Dr S.G. : Il y a 40 ans, mettre sur pied ce genre de recherches était relativement facile vu le nombre important d’aires protégées et de forêts qui étaient encore assez méconnues, comme Tsaratanàna, Manongarivo et Marojejy. Il fallait aller sur place, effectuer des prélèvements sur chaque étage. Après 20 ans, la quasi-totalité de ces sites ont été inventoriés, ce qui est extraordinaire. Il faut se rendre dans les zones où il y a beaucoup de forêts avec des substrats géologiques différents qui ne figurent pas dans les aires protégées.
En ce qui concerne la coordination pour le nouveau livre, j’ai commencé à écrire aux auteurs du premier livre vers la fin 2018 et au début de l’année 2019 pour collecter d’éventuelles informations de base afin de démarrer le nouveau projet. À la fin du premier trimestre de 2019, les invitations à collaboration ont été envoyées à des centaines de collaborateurs potentiels avec un délai de soumission de six à huit mois. Les manuscrits ont dû être soumis en anglais uniquement. En janvier 2021, le manuscrit final a été présenté au Princeton University Press avec au total quelque 7 200 pages hors figures et tableaux. Le livre est paru vers la mi-novembre 2022.
Qu’avons-nous appris entre la publication des deux livres ?
Dr S.G. : Depuis 2003, plus de 70 nouvelles espèces de mammifères ont été décrites. Elles sont toutes endémiques à Madagascar. La plupart ont une distribution très restreinte. Aucun pays dans le monde n’a autant de croissance en termes de connaissances de biodiversité. En enlevant les espèces de chauves-souris et de rongeurs, il y a plus de mammifères qui ont été découverts à Madagascar qu’en Amérique du Sud durant les 20 dernières années. 166 nouvelles espèces d’amphibiens ont été décrites entre 2003 et 2021.
Le chiffre n’est pas statique, car depuis que les manuscrits ont été recueillis, 38 nouvelles espèces endémiques ont été décrites pour les amphibiens. Cette réalité donne une information sur l’importance de la biodiversité malgache sur le plan régional ou mondial. Deuxièmement, cela nous aiguille sur le plan d’action pour la conservation sur les localités et les espèces à protéger en priorité. Ces données dévoilent la finesse de l’analyse pour Madagascar vis-à-vis de la biologie et du plan d’action sur la conservation.
Yanne Lomelle