« Voici donc Madagascar. La singularité de sa position géographique semble avoir, depuis la plus haute antiquité, défini l’originalité de son destin : un peu en retrait de l’Afrique, elle a l’air de s’en garder prudemment, en même temps qu’elle avance éperdument une douce petite tête nostalgique vers les lointains pays de l’aurore ».
À Paris, où il a toujours vécu depuis 1939, Jacques Rabemananjara aura côtoyé le Guyanais Léon-Gontran Damas, le Sénégalais Léopold Sédar Senghor, les Martiniquais Aimé Césaire et Frantz Fanon et le Sénégalais Alioune Diop, le fondateur des éditions Présence Africaine.
Qui étaient ces auteurs africains aux yeux des Malgaches ? Jacques Rabemananjara gardera, vu depuis Madagascar, cette quelque chose de vahiny, malgré qu’il ait été 12 ans ministre sous la première République (1960-1972). Ainsi, même toujours cité comme député du Mouvement démocratique de la rénovation malgache (MDRM), aux côtés de Ravoahangy et de Raseta, son nom venait un peu à part, comme en décalage. Son exil volontaire et permanent en France fera de sa candidature à la présidence de Madagascar (1993) un interlude surréaliste.
C’est un Zaïrois qui s’intéressa à écrire sa première biographie (1981) et c’est l’Académie française qui lui décerna son plus grand titre littéraire (Grand prix de la Francophonie, 1988) : Jacques Rabemananjara ne fut pas prophète en son pays. Et pourtant, on devine son amour douloureux pour ce pays longtemps humilié.
« Dans la capitale de Madagascar, il existe bien quelque part la rue Radama, une petite artère de rien du tout. Que l’on songe à la figure prestigieuse de ce souverain dans les annales de l’histoire malgache et l’on mesurera, à la lumière de la dérision ainsi commise à son renom, dans une ville qui lui devait en grande partie l’essor initial de sa fortune, l’on mesurera la différence d’optique et de visée », écrivit-il. Jacques Rabemananjara est mort, en 2005, dans son pays d’adoption, la France.
Vanf