Le 14 mai 1939, le pasteur Ravelojaona devenait le premier délégué élu des populations autochtones à la représentation de Madagascar au Conseil supérieur de la France d’Outre-mer. Parti en France pour le 14 juillet 1939, il y fut surpris par le déclenchement de la deuxième Guerre mondiale. Rapatrié début 1941, il se trouvait à Antananarivo quand les troupes britanniques de l’opération Ironclad débarquèrent à Diégo-Suarez le 5 mai 1942, avant de s’emparer d’Antananarivo le 22 septembre.
Imbus sans le savoir d’une supériorité morale, les nationalistes renoncèrent à être déloyaux et ne profitèrent pas de la débâcle militaire et de la capitulation des troupes d’occupation (Ambalavao-Ihosy, le 6 novembre) pour pousser le mouvement indépendantiste. Cet atermoiement entre déclamation de nationalisme et protestation de loyauté sera une constante : rallumer la flamme de Japana sy Japanesa, mais ne pas assumer le Vy Vato Sakelika et même s’engager volontaire à 37 ans dans une guerre qui n’est pas la sienne, pour prouver sa loyauté ; séquence que l’on retrouvait déjà dans l’ultime protestation de Rainandriamampandry au pasteur Lauga, face au peloton d’exécution en octobre 1896 : le grand résistant de Farafaty et Manjakandrianombana qui réfute qu’on ait pu le soupçonner de déloyauté envers la France qu’il n’aura servie qu’une petite année (novembre 1895 – octobre 1896) ; séquence que l’on retrouvera dans la manifestation spontanée anticolonialiste du 19 mai 1929, suivie presque aussitôt par la revendication d’une naturalisation de masse en 1936-1939.
La même incompréhension devient véritablement un malaise à lire certains mots de l’écrivain Rajaonah Tselatra, né en 1863 et ancien secrétaire du Premier ministre Rainilaiarivony : « Manana ireo tanindrazana roa, dia i Frantsa sy Madagasikara »3. Il est navrant qu’on puisse autant se renier en 14 ans, entre la vie d’avant et la vie d’après et s’illusionner soi-même.
En 1946, à l’élection des députés pour l’Assemblée nationale constituante, le programme d’indépendance progressive de Ravelojaona sera battu par celui de l’indépendance immédiate porté par Ravoahangy-Andrianavalona qui, cependant, se ralliera à l’idée de l’Union française… Quel peut être le principal titre de gloire du pasteur Ravelojaona ? D’avoir été le pasteur du temple d’Ambohitantely pendant presque 50 ans (1908-1956) ? D’avoir réveillé le vieil article Japana sy Japanesa de Rajaonah, alors que s’était déclenchée la guerre de 14 ? D’avoir initié, avec Rajonah Gabriel, le Firaketana ny Fiteny sy ny Zavatra Malagasy : un dictionnaire encyclopédique qui ne cessera de paraître pendant 30 ans, avant de se mettre en stand-by à la lettre M ?
L’engagement éditorial du pasteur Ravelojaona ne se limitait d’ailleurs pas au Firaketana : Ny Teny Soa (1907-1915), Ny Mpamafy (1911-1915), Ny Mpandinika (1923-1930), Ny Mpanolo-Tsaina (1927-1929), Ny Fiainana (1928-1955). Son engagement dans l’éducation ne fut pas moindre et son prestige, intact, dicta le choix de son nom pour baptiser l’Université protestante de la Fiangonan’i Jesoa Kristy eto Madagasikara (FJKM) en 2008.
Vanf