Les personnes atteintes d’albinisme vivent dans la terreur à cause de croyances et fausses rumeurs. À la merci de kidnappeurs commandités par des clients d’ailleurs, les violences sont gratuites amplifient leurs malheurs.
Ils sortaient d’une réunion organisée dans un grand hôtel pour discuter des mesures de protection et d’accompagnement des personnes atteintes d’albinisme. Ceux qui les ont croisés ce soir-là sont surpris. Il est inhabituel de rencontrer un groupe de jeunes albinos dans les rues d’Antananarivo escorté par des éléments de la gendarmerie. Ils arpentent les rues d’Antaninarenina vers Ambohidahy. Un trajet qui ne nécessite pas la mobilisation d’éléments des forces de défense et de sécurité pour d’autres jeunes à leurs âges. Toutefois, un tel dispositif est nécessaire pour assurer leur sécurité.
Hordes
En effet, en plus des problèmes de santé auxquelles elles doivent faire face chaque jour, les personnes albinos vivent dans la terreur depuis quelques années. « Nous subissons toutes sortes de violences et d’agressions. Certains des nôtres ont même perdu leur vie. Nous vivons dans la crainte au quotidien et actuellement les albinos font l’objet de trafics », s’insurge Soja Fulgence Ramiandrisoa, président national de l’Association des albinos Madagascar (voir interview par ailleurs). En effet, des attaques, des enlèvements, des séquestrations, mutilations et d’autres violences ont été perpétrés à leur endroit. Il suffit de faire un tour dans les réseaux sociaux pour s’en apercevoir. Le plus souvent, les victimes sont situées dans des zones rurales et enclavées dont on ne saurait situer sur la carte comme Benato, Soamenda, Mandiso, Sahambole, Analambarika ou Ankiliabo.
En recensant les cas rapportés depuis 2020, la plus jeune victime est un bébé de 11 mois, assailli par une horde de bandits armés pendant la nuit avec son frère de trois ans, à Ankazoabo. La tentative d’enlèvement a échoué mais les traumatismes ont surement laissé des séquelles. La plus âgée est un jeune homme de 21 ans, retrouvée à Maroalopoty Ambovombe. La plupart des albinos victimes d’enlèvement sont des enfants en bas âge. « Plus de treize cas déclarées de kidnapping d’enfants atteints d’albinisme dont un meurtre ont été enregistrés ces deux dernières années dans les trois régions du Grand Sud (Anosy, Androy et Atsimo Andrefana). Parmi eux, neuf concernent la région Anosy » précise le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) dans un communiqué de presse à l’occasion de la Journée internationale de sensibilisation sur l’albinisme.
Thèse plausible
En février, les experts des droits de l’homme des Nations unies ont exhorté l’État malgache à prendre des mesures immédiates pour protéger les albinos. L’inquiétude de cet organisme onusien est fondée car au-delà de ces « cas enregistrées », la réalité donne des frissons. « Le nombre authentique d’attaques est probablement plus élevé et pourrait augmenter », signalent-ils. En effet, la quasi-totalité des cas rapportés concernent d’albinos « sauvés » ou « retrouvés ». Les statistiques relatives au signalement d’enlèvement ou de disparition ne sont pas disponibles. « Il y a eu sept attaques en 2020, neuf en 2021 et pour ces cinq premiers mois de cette année, il y en a déjà eu douze. Nous pensons que ces chiffres ne sont pas encore parvenus au commandement de la Gendarmerie », ajoute Soja Fulgence Ramiandrisoa.
La Gendarmerie nationale se trouve au front pour lutter contre ce phénomène. Elle avance l’existence d’un lien entre les croyances des dahalo, les voleurs de zébus et le rapt d’albinos. Les yeux des albinos les donneraient le pouvoir de voir dans la nuit ou de les rendre invulnérables aux balles des armes à feu. Une thèse plausible d’autant que la cartographie des cas d’enlèvement coïncide avec les zones dites « rouges » en termes d’insécurité comme Betroka, Ankazoabo et Manja. Toutefois, vu le nombre de cas rapportés dans la presse locale, d’autres explications sont à rechercher.
Pouvoirs soi-disant magiques
En février, les experts des droits de l’homme des Nations unies ont exhorté l’État malgache à prendre des mesures immédiates pour protéger les albinos. L’inquiétude de cet organisme onusien est fondée car au-delà de ces « cas enregistrées », la réalité donne des frissons. « Le nombre authentique d’attaques est probablement plus élevé et pourrait augmenter », signalent-ils. En effet, la quasi-totalité des cas rapportés concernent d’albinos « sauvés » ou « retrouvés ». Les statistiques relatives au signalement d’enlèvement ou de disparition ne sont pas disponibles. « Il y a eu sept attaques en 2020, neuf en 2021 et pour ces cinq premiers mois de cette année, il y en a déjà eu douze. Nous pensons que ces chiffres ne sont pas encore parvenus au commandement de la Gendarmerie », ajoute Soja Fulgence Ramiandrisoa.
La Gendarmerie nationale se trouve au front pour lutter contre ce phénomène. Elle avance l’existence d’un lien entre les croyances des dahalo, les voleurs de zébus et le rapt d’albinos. Les yeux des albinos les donneraient le pouvoir de voir dans la nuit ou de les rendre invulnérables aux balles des armes à feu. Une thèse plausible d’autant que la cartographie des cas d’enlèvement coïncide avec les zones dites « rouges » en termes d’insécurité comme Betroka, Ankazoabo et Manja. Toutefois, vu le nombre de cas rapportés dans la presse locale, d’autres explications sont à rechercher.
Graves dangers
Il y aurait donc une clientèle riche et influente derrière ces séries d’enlèvement. Une information qui circule dans des régions où la famine a sévi à partir de 2020. « Les gens ont entendu que les albinos coûtent des centaines de millions d’ariary. Ainsi, ils attaquent ces personnes mais ne connaissent même pas les preneurs. C’est pour cela qu’il y a autant de personnes arrêtées mais l’identité des commanditaires demeure un mystère. C’est comme les vols d’ossement », explique Randimby, un enseignant retraité à Tsihombe.
Que ce soit pour la sorcellerie, ou le commerce transfrontalier ou pour l’argent, les albinos encourent de graves dangers et nécessitent une protection. Mbolatiana Raveloarimisa, présidente de l’association Autisme Madagascar, a incité les personnes atteintes d’albinisme à se regrouper. Elle reconnait les efforts fournis par l’État. « J’admire particulièrement la Gendarmerie qui essaie de faire face à ce réseau de trafic humain. Nous savons très bien qu’ils ne sont pas suffisamment équipés pour cela. Mais face à ce réseau importé, doté d’une structure déjà solide, je trouve que les forces de l’ordre et l’Etat doivent faire preuve de beaucoup de rapidité dans leurs opérations », partage-t-elle.
Depuis quelques mois, l’organisation de la société civile, Autisme Madagascar et l’Association des albinos Madagascar, en tête, a pris à bras le corps cette problématique sociétale de plus en plus préoccupante. « Les associations ont la volonté de les aider dans cette lutte étant donné que c’est une question de sécurité réelle. La stigmatisation incite la société à avoir de mauvaises intentions envers ces gens, qui selon les rumeurs, valent des milliards. C’est pourquoi, il est de notre devoir de faire connaître leurs particularités, à dessein de mieux les protéger », conclut Mbolatiana Raveloarimisa.